NATHALIE ERRARD « de la trempe des constructrices »
Féminine à souhait, Nathalie Errard nous reçoit dans son bureau particulièrement lumineux de l’avenue de la Couronne. Détendue et sympathique, la Patronne du groupe Airbus à Bruxelles se prête au « jeu » du portrait sans grande appréhension – sûre d’elle, elle se raconte posément mais aussi quelquefois avec passion quand elle parle de son métier
Matheuse oui, mais pas seulement
« Je suis née à Saint-Etienne et y ai fait toutes mes études, ponctuées par un Bac Mathématique. La suite est sans grande surprise, je fais une Spécial Math et là, révélation, je comprends très vite que je ne serai jamais une chercheuse en Maths. J’intègre alors une école de commerce spécialisée dans les télécommunications (haute technologie – Gestion et Management), ce qui se traduit par « programmation de gestion ».

Errard Nathalie
Je fais mon stage de fin d’études chez PWC en « audit système d’information ». Puis j’intègre l’Audit sur le dossier Euro Tunnel (j’y reste 3 ans), restructuration de la dette puis audit financier et un diplôme en expertise comptable et financière (DECF). Je travaille surtout sur le Corporate Finance (haut de bilan). Quand cette mission fut terminée, j’ai cherché autre chose qui pouvait élargir mon horizon , car, ce parcours professionnel m’a beaucoup apporté – j’entre une première fois dans l’aérospatial en fusion/acquisition chez Aerospatiale et là je débute sur fusion avec MATRA ; un an après, ce fut la création d’EADS, premier consortium aérospatial européen. En 2000, après EADS, je rentre chez Thomson Multimedia (conseillère fusion / acquisition mais cette fois-ci dans une cellule de business development) : j’ai aussi apprécié ce moment qui m’a permis non plus de gérer une petite partie d’un immense projet mais de participer à la gestion totale de projets plus réduits. Toujours pour Thomson et en 2002, je pars sur la côte ouest des Etats-Unis, accompagner une filiale californienne à trouver du Business Development et le convertir mais aussi faire le lien entre Paris et Los Angeles. Je retiens de cet épisode de ma carrière que gérer une entreprise dans un métier qui n’est pas votre Corps Business demande de grandes facultés d’adaptation, d’une part, et de ténacité, d’autre part. Je suis revenue 2 ans plus tard non sans avoir doublé le Chiffre d’affaires de la filiale. En 2004, retour à Paris, je fais de l’Audit Interne financier au sein du Groupe Thomson et dirige opérationnellement une équipe pour la première fois. Ce fut très riche en enseignement : pourtant, si j’ai beaucoup appris, j’ai surtout compris que je suis plutôt une constructrice et/ou une développeuse.
Le retour au source
Je rejoins le Groupe Airbus 5 ans après l’avoir quitté à la demande de mon ancien patron. Le Groupe où j’avais fait mes premiers pas s’était restructuré et avait muté. Il m’a fallu reprendre complètement mes marques en tant qu’adjointe responsable UK – Europe du SUD du directeur des Relations Investisseurs. Deux ans plus tard, je prends la direction avec l’équipe : c’est la dimension managériale qui m’a stimulée dans ce poste ainsi que les relations avec les marchés financiers. La mesure des mots et la façon dont on communique sur une information a des conséquences directes sur l’action. Dans un monde où il est si facile de faire semblant j’ai trouvé que la rudesse des marchés a quand m^me quelque chose de sain pour rappeler tout le monde à la réalité. Je suis resté 6 ans en relations investisseurs.
Les défis importants se jouent maintenant
Je n’aime pas arriver a posteriori, je suis plus quelqu’un d’a priori. Quand on m’a proposé d’aller à Bruxelles, c’était au départ pour occuper un poste plus corporate. Nous étions décentralisés – j’avais donc un rôle de coordination et m’occupais principalement des sujets transversaux puis le bureau a été intégré et l’ensemble des sujets du groupe est maintenant sous ma responsabilité. Je suis une interface et, il faut bien le reconnaître, le choc fut énorme, la différence entre un fonctionnaire européen et un analyste financier est GIGANTESQUE. Je venais d’un monde où la réactivité était totale alors que la lenteur des processus européens fait partie intégrante du processus de réflexion et de décision. J’aime beaucoup la partie management international (Ndlr Nathalie Errard dirige des Anglais, Allemands, Colombiens, Grecs, Français) : nous avons un projet commun et notre puissante volonté d’arriver nous tire vers le haut.
Ce qui me plaît sur un plan plus opérationnel, c’est la palette des sujets intégrant des visions macro et micro économique, c’est une combinaison qui m’épanouit totalement – défendre les intérêts industriels en préservant le passé dans un monde qui s’internationalise. Nous sommes en plein moment de doute, la construction européenne est à la peine et pourtant l’aéronautique est une industrie où la concurrence se situe à l’échelle des continents : Boeing et Airbus sont leaders aujourd’hui mais les Chinois seront prêts et bien prêts dans 10 ans. Les défis importants se jouent maintenant, il nous reste donc toute cette période pour avancer et évoluer dans la structuration de l’équipe d’Europe.
Comment je trouve Bruxelles ?
Un des élément qui a été à mes yeux le plus surprenant c’est incontestablement l’architecture à Bruxelles. Alors soyons clair, cela n’a pas été un « coup de foudre », ce n’est qu’au bout de quelques mois, quand j’ai pris mes marques que j’ai adoré Bruxelles. Je définirai la capitale belge comme une ville cosmopolite à taille humaine et chaleureuse, qui arrive à garder son âme et reste accueillante, une sorte de mini-Europe. Par contre, il faut bien aussi reconnaître que la gestion des infrastructures est pour le moins originale… Quand je rentre le week-end à Paris, j’y trouve de l’agressivité alors qu’à Bruxelles, c’est plutôt de la décontraction et de la sagesse – c’est pour cela que j’aime Bruxelles.
SB